Tournesols

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samedi 21 mars 2009

Les reco… du ventre

Dans notre métier difficile, nous aimons bien avoir quelques points solides sur lesquels s'appuyer et qui ne soient pas trop discutables. Nous vivons à longueur de journée dans le flou — flou du discours et des intentions des patients, flou de la connaissance médicale, flou de l'examen clinique, flou de la règlementation — mais quelques oasis de netteté semblaient pouvoir exister. En premier lieu, la Revue Prescrire qui irrite tant avec sa rigueur et son obstination à nous montrer que faire de la bonne médecine est une remise en question permanente, mais aussi les recommandations qui nous sont opposées en cas de problème médico-légal ou plus souvent dans les conflits avec les médecins conseils de la sécu.

En France, les plus connues et les plus respectées sont celles de la Haute Autorité de Santé, organisme d'état sensé mettre un peu d'ordre dans la cacophonie ambiante. J'ai suivi une formation dans cette institution pour guider mes confrères dans l'évaluation de leurs pratiques et j'avais été assez séduit par le discours et les méthodes.

Malheureusement, une fois de plus, le fric tout puissant est là, représenté comme souvent dans le milieu de la santé par les firmes pharmaceutiques. Et voilà que les reco…mandations de la HAS se transforment en reco…naissance du ventre des experts à la solde des labos.

Le Formindep devrait être déclaré d'Utilité Publique, en nous permettant de percevoir le dos des cartes qui semblent bien bisautées.

A lire

lundi 16 mars 2009

Hortense, quand j'y pense

Hortense est morte cette semaine. Rien d'exceptionnel et même plutôt normal pour une femme de 96 ans avec une maladie d'Alzheimer assez évoluée.

La dernière fois que je l'ai vue, il est quatre heures du matin. Elle est assise sur son lit, en psalmodiant « Je m'étouffe, je m'étouffe ! ». Elle me voit, elle me sourit, et s'écrie : « Mais c'est le docteur V. ! Alors je suis sauvée ! » Même à quatre heures du matin, la tête dans le sac, ça fait du bien ! Quand je suis reparti, elle allait mieux, ce qui ne l'a pas empêchée de mourir quelques jours plus tard.

Depuis quelques années, la maladie faisait son chemin. Le départ à la maison de retraite a été retardé le plus longtemps possible, mais elle vivait seule et l'entourage était de plus en plus inquiet. Même le maire du village était venu m'en parler.

Elle me disait souvent : « Ah ! Je perds la tête. Je suis "déciboulée". » Et la sécu de joindre au dernier renouvèlement de son "100%" un guide « à l'intention du patient » pour lui expliquer sa maladie. Ça m'a bien fait rire. Il y a bien longtemps qu'elle ne sait plus trop où elle est. C'était d'autant plus touchant qu'elle me reconnaisse.

J'ai mis beaucoup de temps à apprécier cette femme. Elle n'avait pas sa langue dans sa poche et ce que je prenais pour de l'agressivité était en fait son mode de communication habituel. Du genre « Vous ne pouvez rien pour mes rhumatismes ! Vous servez à quoi alors ? »

Au bout de quelques années, je me suis pris au jeu et je lui répondais sur le même ton. Quand nous avions un témoin, elle en rajoutait, ce qui donnait des dialogues assez étonnants.

Un jour, elle se fait renverser sur un passage piéton par un fourgon ; juste un tout petit heurt sur la jambe qui lui a fait perdre l'équilibre. Le chauffeur, très gentil et très ennuyé, la ramène chez elle et appelle le docteur. A mon arrivée, je me suis rapidement aperçu qu'il y avait eu plus de peur que de mal, mais elle avait décidé de "chambrer" son écraseur.

- Quand on ne sait pas conduire on reste chez soi ! Vous auriez pu me tuer. Vous devriez faire attention, tout de même.
Je lui dis qu'elle n'a pas grand chose et qu'il a été bien gentil de la ramener.
- Ah bon ! Vous auriez préféré qu'il m'écrase ?
- Ah non ! Je tiens à mes clients, j'ai mes impôts à payer !
- Si vous leur parlez comme ça, vous allez avoir du mal à les garder.
Au chauffeur qui faisait mine de repartir :
- Et l'autre qui s'enfuit maintenant. On est pas aidé quand on est une petite vieille !
Elle se tourne vers moi :
- Et vous, vous voulez en plus que je vous paye alors que vous n'avez rien fait. Vous avez un beau métier ! Vous profitez du malheur du monde.
- Eh oui ! D'ailleurs, je vais demander à ce monsieur d'aller faire tomber deux ou trois autres petites vieilles pour arrondir ma fin de mois.
- Conduisant comme il conduit, ce ne sera pas trop difficile !

C'est à ce moment que le chauffeur a compris que c'était du théâtre et a recommencé à respirer.

vendredi 13 mars 2009

Réunion Sécu

Enfin un peu de temps pour taper quelques mots sur ce blog. Ma vie a beaucoup changé ces derniers temps, mais par contre pour d'autres…

Hier, Commission Conventionnelle à la Sécu de mon département : cette réunion regroupe les représentants des Caisses et les représentants locaux des médecins. Je n'y étais pas allé depuis des années, mais rien n'a changé. L'Administration est toujours là, immuable, et veille au grain. Seulement, alors que le système s'écroule en raison de la faillite financière et de la démographie médicale en déroute, ils ne veillent toujours que sur le grain et ne semble pas concernés par le silo que nous allons nous prendre sur la tête.
Ils ont leurs objectifs. Par exemple, il faut que les prescriptions d'antibiotiques diminuent de 5% dans l'année. Quand l'on sait qu'au Danemark ou en Hollande, ils consomment deux à trois fois moins d'antibiotiques que les Français, je vous laisse calculer combien de temps il va falloir pour arriver à une prescription raisonnée. Et quand les objectifs ne sont pas atteints ? Que peuvent-ils faire ? Rien, ou pas grand-chose : une campagne de plus avec des mailings aux médecins que ceux-ci mettent avec constance à la poubelle.

Les autres objectifs sont sur ce document. Je vous laisse apprécier l'importance colossale des enjeux alors que la sécu est en déficit de plusieurs milliards d'euros chaque année. C'est un peu comme si Barak Obama, pour résoudre le problème de l'Irak s'occupait de faire des économies sur les boutons des uniformes.

Vous remarquerez aussi la part que se taillent les génériques dans les préoccupations caissières. Alors qu'il suffirait — d'un seul coup de plume — de mettre tous les médicaments équivalents au même prix pour résoudre le problème.

Comme dit un de mes collègues : « Pays de la Logique et de la Raison pure »