Tournesols

Tournesols

mardi 25 septembre 2007

Vacances

Et hop ! Je pars en vacances. Un rêve de gosse, je pars rejoindre ma fille dans le Colorado. J'ai loué une moto qui est sensée m'attendre là-bas et à moi les indiens, les cowboys, les canyons, les diligences.

Youpee !!

samedi 22 septembre 2007

Mémoire d'une âme

« Docteur, avec l'âge, je perds la mémoire ! » Après quelques tests, l'évidence est là. « En effet, vous avez quelques problèmes, vous avez une maladie de la mémoire. » C'est plus facile à dire et à accepter que "maladie d'Alzheimer".
« Vous me rassurez docteur, vous savez comme j'ai peur de perdre la tête. Parfois, j'ai l'impression de décibouler. »

Il est toujours terrible de s'apercevoir qu'une personne que l'on connaît depuis plus de dix ans souffre de cette terrible maladie. Elle va peu à peu oublier ce que je lui dis, puis oublier mon nom, puis oublier ce que je suis et sombrer lentement dans le crépuscule de la démence. Tous les merveilleux médicaments hors de prix que nous utilisons depuis dix ans n'ont pas changé grand-chose. L'histoire se finit toujours mal.

Madame J. lit le journal, toujours le même journal. Nous le changeons quand il tombe en ruines. Elle rit, elle commente les nouvelles, elle raconte à ses voisines.

Madame C. se promène… jour et nuit. « Je suis perdue, je suis perdue ! ». Elle suit parfois M. G pensant que lui, avec son air décidé et sa démarche chaloupée sait où il va. Et ils tournent en rond toute la journée ne s'arrêtant que pour dormir, épuisés. Nous profitons des passages près de l'office pour les ravitailler en vol : bananes, gâteaux, fromage.

Monsieur F. est depuis quelques années dans l'établissement. Il y a bien longtemps qu'il ne sait plus ce qu'il fait ici, ni ce qu'il a fait il y a cinq minutes. Il ne sait plus s'habiller seul, mais marche encore obstinément. Quand nous lui avons annoncé le décès de son frère, il n'a pas vraiment réagi. Mais une semaine plus tard, il aborde l'infirmière : « Tu sais, il m'arrive un truc terrible. Paul est mort ! »

Le cerveau est malade, mais le cœur commande encore souvent.

mardi 18 septembre 2007

Saletés de métier

Ma fille en revenant d'un stage chez le kiné : « Oh ! Je ne ferais pas ce métier là, les gens sont trop crades ! »

C'est vrai, l'hygiène n'est pas le point fort d'une bonne partie de la population. Je me rappelle mon dégoût lors des premiers contacts avec les patients. Aux urgences, les gens arrivent "dans leur jus". Ils n'ont pas eu le temps de sauvegarder les apparences en faisant un brin de toilette. Et là ! Surprises !

Le beau mec qui défile sur le boulevard avec son cabriolet vermillon sent le homard pas frais et porte des chaussettes dont ne voudrait pas un chiffonnier enrhumé. Cette belle jeune fille bien maquillée garde la trace (en noir) de son soutien gorge au niveau des épaules. Quand au beau monsieur en costume, nous avons été obligé de faire une fouille quasi archéologique de son nombril retirant une espèce de bourre et comme de la réglisse lors de la préparation pour le bloc opératoire.

Plus tard, lors de mes remplacements, je suis entré chez des gens qui avaient les géraniums tout l'hiver dans la baignoire de l'appartement. Dans les salles de bain, il n'y a parfois qu'une brosse à dents pour toute la famille et elle a l'air bien poussiéreuse.

Il est parfois très difficile d'examiner quelqu'un qui sent particulièrement fort. Mes capacités pour retenir ma respiration sont assez limitées et l'examen prend en général plus de trente secondes. Quand vous passez le stéthoscope dans le dos et que votre nez se trouve en face de l'ouverture du tricot, vous prenez tout à coup des effluves d'urines vieillie, de sueur aigre et de divers parfums non répertoriés chez Dior ou Armani. Ce n'est pas le moment de penser à votre petit-déjeuner !

Vous comprendrez aisément pourquoi les médecins aiment recevoir des visiteurs ou visiteuses médicales, bien pomponnés et qui sentent bon, même s'il est rare de mettre notre nez dans leur décolleté ou derrière leur cravate.

vendredi 14 septembre 2007

Q.I. cuit ?

Aujourd'hui, j'ai peiné. Mes consultations ont été assez laborieuses. Il y a des jours comme ça où vous n'avancez pas ! Le public n'est pas bon ou le docteur est fatigué. Ce matin, c'était peut-être le public qui n'était pas bon. En tout cas, pas réceptif à mes explications.

Le monde semble de plus en plus complexe. Pour certains de mes patients, il semble beaucoup trop complexe. Ce jeune patient doit rentrer dans un centre d'apprentissage pour handicapé. Il reçoit des papiers de la sécu et m'appelle, à midi, pour que je passe chez lui d'urgence. Il lui faut un tampon. En fait, je sais que ces papiers n'ont rien à voir avec son admission, mais je n'arrive pas à le rassurer. Alors il vient. Et je lui reexplique qu'il faut qu'il revienne le lendemain car il y a besoin d'une consultation longue que je n'ai pas le temps de faire maintenant. Il avait simplement reçu le compte rendu de son examen de santé.

« Vous ne l'avez pas en ampoule ? » Pour cette grosse femme d'une cinquantaine d'années, la vie n'a pas toujours été tendre. Elle boit un peu, a des enfants dont elle ne sait pas grand-chose depuis que la DDASS les lui a retirés.
Non, ça n'existe pas en ampoule, il n'y a presque plus d'ampoules : trop cher à produire, trop ringard.
Son copain intervient : « C'est que, les remèdes, elle les croque ! »
Depuis toujours, elle croque tout : comprimés, gélules. Ce n'est pas sans risque et j'essaye de lui expliquer. Elle me regarde avec ses grands yeux bleus étonnés. Personne n'avait jamais pensé à lui dire !

Cette dame de 70 ans se courbe lentement mais sûrement. Elle est obligée de lever les yeux pour me regarder. La tête redressée comme un ver qui sort d'une pomme, elle a un peu de fièvre depuis quelques jours. C'est la troisième fois qu'elle consulte pour ça en cinq jours. Son mari a la même chose, son nez coule, c'est certainement une virose. Mais voilà, dans son monde, fièvre égale antibiotiques. Et son mari de surenchérir : « Elle est sujette aux bronchites ». En fait, elle en a fait deux qui ont nécessité des antibiotiques. Alors depuis, dès qu'elle est enrhumée, elle demande ses antibiotiques qu'elle finit par obtenir. Alors pour elle (et son mari) c'est une bronchite. La thérapeutique crée la maladie ! Pourvu qu'elle n'ait pas un effet secondaire avec l'antibiotique, je m'en voudrais longtemps.

Les adolescentes boudeuses et condescendantes sont parfois étonnantes. Le cerveau semble parfois avoir grillé avec le portable. Pour celle-ci qui a mal au ventre et de la diarrhée, impossible de lui faire préciser le nombre de fois qu'elle va à la selle en temps normal. Elle ne sait que hausser les épaules et faire "Pfft" dans un petit soupir étonné. J'ai reformulé : "aller faire caca", "aller chier". Sa mère s'y est mise. Impossible.

Je vous le dis : chiants ils étaient ce matin !

lundi 10 septembre 2007

Un tonneau bien plein

« Ta-Ti-Ta-Ti… BRR-BRR…Ta-Ti-Ta-Ti……PIIP-PIIP »
C'est à peu près le bruit du bip des pompiers. Réveil garanti en sursaut. Le cœur bat la chamade. Le lever est brutal, rapide, en jurant tout bas : « Merde, merde, métier à la con ! ». Vous essayez de trouver le bouton pour couper le klaxon qui a réveillé toute la maison. Vous regardez l'heure : 04:47 … L'heure terrible. Vous n'avez pas assez dormi, mais vous savez que votre nuit est finie.
Le cœur se calme un peu. Vous essayez d'enfiler votre pantalon en téléphonant à la caserne pour savoir ce qui vous attend. Des images de voitures pulvérisées et fumantes, de cervelle sur les murs, de jeune pleurant coincé dans leur voiture, de motards fracassés dans un fossé vous passent par la tête. Souvenirs, souvenirs !

Bon ! La caserne ne répond pas, je fais le 18. La permanencière me dit qu'il s'agit d'un AVP avec une VL et un blessé incarcéré mais conscient. Ce qui veut dire un Accident de la Voie Publique avec un Véhicule Léger (une voiture quoi !) et quelqu'un coincé dans la voiture.

J'enfile pull et veste (il fait froid au bord d'une route, la nuit en attendant que les pompiers désossent une voiture), prend mon sac au passage et grimpe dans la voiture. Quelques minutes plus tard, je suis sur les lieux. Une vieille Clio avec un A tout neuf est sur le flanc au milieu de la route. Pas trop esquintée. Il y a du plastique et du verre partout, la bagnole est foutue, mais bon, ça n'a pas l'air trop violent. C'est vite éparpillé, une voiture.

Les accidents ont une odeur : odeur de l'huile brûlée, de l'essence, du moteur chaud et parfois du sang. Celui là ne "sent pas" grave.

Un pompier me dit que la victime est consciente et a simplement mal au dos. Un autre pompier est entré en brisant la lunette arrière et se trouve maintenant à l'avant avec la victime (c'est comme ça qu'on dit : "la victime"). J'y vais moi aussi. Une odeur de bière me surprend dans ma reptation. La jeune fille est en pleurs, mais semble intacte. Je lui pose quelques questions et l'autorise à sortir par ses propres moyens avec le pompier (par la lunette arrière).

Les filles bourrées ont des réactions bien différentes des mecs bourrés lors d'un accident. Les mecs bourrés sont souvent agressifs accusant la voiture, les flics, les platanes et nous reprochant presque d'être là ! Les filles pleurent beaucoup, répondent aux questions en pleurant, et pleurent encore quand on les examine.

- C'est pas possible ! Ça n'a pas pu m'arriver à moi ! Ouin ! Ouin ! Ma voiture elle a quoi ?
- Elle est morte la voiture !
- Ouin ! Ouin ! C'est pas possible ! Ça n'a pas pu m'arriver à moi ! Ouin ! Ouin !
- Je te fais mal, là, quand j'appuie !
- Non ! Ouin ! Ouin ! Non plus ! Ouin ! Ouin !

Et encore, elle n'avait pas encore compris qu'elle était bonne pour repasser le permis qu'elle avait depuis huit mois !

Alcool au volant, voiture sur le flanc !

jeudi 6 septembre 2007

Groupe de poires

Hier soir réunion mensuelle de notre "Groupe d'analyse de pratiques" dit aussi "Groupe de pairs®". Donc après le boulot, une demi-douzaine de médecins généralistes se réunissent pour discuter de leur métier et essayer d'améliorer leurs pratiques.

Nous discutons de cas tirés au sort dans notre journée de travail, nous organisons des audits et autres évaluations. Et tout ça, bien sûr, sans aucune rémunération et même sans repas ou apéritif pharmaceutique. Indépendance, indépendance !

La discussion hier soir m'a franchement déprimé. Faire de la bonne médecine est de plus en plus difficile. Les pressions extérieures, médiatiques, commerciales, administratives semblent de plus en plus importantes. Comment résister à la demande d'un patient qui a "vu à la télé" le "grand professeur" (payé par l'industrie pharmaceutique) qui recommande tel examen ou telle thérapeutique ? Et surtout, pourquoi résister ? Nous n'avons rien à y gagner, si ce n'est la perte d'un client et une perte de temps à essayer d'expliquer notre refus à quelqu'un qui ne veut ou ne peut pas l'entendre.

Faut être maso quand même !

lundi 3 septembre 2007

Café bouillu

« Docteur, vous prendrez bien un café ! »

Il reste un peu de convivialité dans notre métier. Faisant énormément moins de visites et le plus souvent chez des gens très âgés et dépendants, les offres de café, de petit coup à boire, de gâteaux, crèpes et bonbons divers sont beaucoup moins fréquentes.

Je me rappelle, un de mes premiers remplacements, celui qui a fait que je suis devenu médecin généraliste à la campagne… Deux heures du matin après avoir soigné un œdème du poumon au fin fond de la campagne aveyronnaise, le patient va mieux,… le docteur aussi !! La solitude du médecin dans les moments d'urgence est présente, quasiment physiquement : un nuage lourd qui pèse sur les épaules, une angoisse qui aiguise l'esprit, mais serre la gorge et fait battre le cœur plus vite. Et bien sûr, il faut rester calme en apparence, et souriant même, et quand vous avez vingt-cinq ans et que vous sortez de l'hôpital où vous avez toujours un recours pas bien loin, vous avez plutôt envie de prendre vos jambes à votre cou et de vous retrouver très loin,… ailleurs…

Alors, le "petit coup à boire" est bienvenu. La dame du monsieur qui va mieux sort la gnôle du placard et m'en verse une rasade dans un verre à moutarde. C'est bon, cette chaleur qui descend puis cette insouciance qui remonte. Après, il a fallu retrouver le chemin du cabinet dans le brouillard. La vieille 203 break m'a ramené au bercail. Elle devait avoir l'habitude.

Plus redoutable est d'accepter le café. Dans certaines maisons, l'usage est de faire le café une fois par semaine. Il reste donc à décanter tranquillement dans la cafetière. Le café est servi réchauffé dans une petite casserole en alu. Le grésillement du café au fond de la casserole marque la fin de la "cuisson". Le goût de ce genre de café est indescriptible ; saveurs de goudron frais, de crâmé ancien, de charbon aromatisé à la chicorée.

Café bouillu, café foutu !