Tournesols

Tournesols

mardi 31 juillet 2007

Franchise hypocrite

La franchise : « 50 euros par an, 4 euros par mois, qui refuserait de payer ça pour éviter la Maladie d’Alzheimer, permettre des soins palliatifs efficaces et soigner le cancer » C’est globalement ce qu’a dit notre Président.

Or, il est connu que plus l’usager paye, plus le système coûte cher. Bizarre paradoxe ! Bien démontré par le système de santé américain qui coûte une fortune aux usagers (directement ou par le paiement d’assurances) ET à l’État américain (15,3 % du PNB).

Le client qui va acheter sa voiture en choisit d’abord le modèle, l’agencement intérieur, la couleur, l’autoradio et s’il lui reste de l’argent va prendre les options ABS et multiples airbags. Vous remarquerez que c’est ce qui manque sur les voitures "low cost". Il y a un autoradio, mais pas l’ABS, des belles peintures de toutes les couleurs, mais moins d’airbags.

Pour l’usager de santé, le problème est le même. Si vous payez, vous choisissez. Pourquoi vous payer une séance d’éducation à l’hygiène dentaire alors qu’avec la même somme d’argent vous pouvez avoir un blanchiment des dents ? Pourquoi faire une prise de sang pour dépister diabète et cholestérol alors que vous pouvez consulter une diététicienne pour perdre vos cinq kilos avant l’été. Je n’oublie pas les gens qui préfèrent se payer des clopes plutôt que le docteur ou sont obligés de choisir entre le spécialiste et les chaussures du petit dernier.

Et quelques années plus tard, "Dents Blanchies" va faire rembourser un dentier complet à son assurance et à la sécu et "5 kg" va être hospitalisée pour un infarctus.

Imaginez aussi le voyage d’un patient tuberculeux dans le métro, tous les jours, pendant des mois, qu’une simple consultation (qu’il ne peut ou ne veut pas payer) aurait suffi à dépister.

Est-ce une bonne idée de faire payer les gens ?

Franchement !

lundi 30 juillet 2007

Mythes

Certaines personnes bâtissent tout un mythe autour de leur maladie. Ils semblent en avoir besoin. Il y a le mythe de l’origine de la maladie, le mythe du traitement miracle, le mythe du traitement qu’il ne faut jamais prendre. Ce mythe leur permet de construire leur vision de la maladie, de mieux l’accepter peut-être en la rendant plus originale, extraordinaire ou plus aisément compréhensible. Pour le médecin, il est très difficile de démolir ce mythe, même quand il est nuisible au bon traitement.

Ce grand gaillard agriculteur au teint rougeaud vient me voir pour faire le « plein de magnésium ». Il présente depuis longtemps des attaques de panique qui sont des crises d’extrême angoisse avec sensation de mort imminente, parfois accompagnées de symptômes fort spectaculaires et angoissants… pour l’entourage. Depuis qu’il fait des « cures » de magnésium, les crises sont beaucoup plus rares et beaucoup moins intenses. Mais pour que ça fonctionne, il lui faut des injections intraveineuses. « Il n’y a que ça qui est efficace ! »

L’histoire médicale de Monsieur F. se rapproche du Larousse Médical. Les consultations sont régulières pour soulager son corps balafré et déformé par les blessures et les opérations. Pour lui, tout a commencé quand il avait 13 ans, après un accident de vélo qui l’a laissé dans le coma quelques jours. Dans sa carte mentale, même sa tuberculose, survenue trente ans plus tard, a pour origine cette chute malheureuse.

Ce patient a « les poumons fragiles ». Prisonnier pendant la deuxième guerre mondiale, il a été victime d’une pneumonie qui a bien failli le tuer. Les médecins lui ont dit qu’il resterait toujours fragile des bronches. Il a maintenant plus de 90 ans, n’a jamais fumé et se porte comme un charme. Mais à chaque fois qu’il tousse, c’est la panique. « Vous savez, Docteur, avec mes poumons fragiles ! »

dimanche 29 juillet 2007

30 062

C’est le nombre de médecins libéraux ayant participé à une formation conventionnelle. C’est-à-dire une formation médicale payée par la sécu et qui donne droit à une indemnisation pour perte de revenu de 15 fois le tarif de consultation par jour de formation.

Ce sont quasiment (en dehors de petites réunions locales ne concernant que quelques médecins, et des formations universitaires) les seules formations indépendantes de l’industrie pharmaceutique. 30 062, ce n’est même pas le tiers des médecins conventionnés, et en général ce sont les médecins qui participent aux autres formations. C’est ce que nous constatons depuis des années. Il y a à peu près 30 % des médecins qui se forment "correctement", une moitié se contente des formations publicitaires conviviales de l’industrie pharmaceutique, les derniers 20 % ne sont jamais vus nulle part.

Il faut dire qu’il n’est pas évident de demander à des gens qui travaillent plus de 50 ou 60 heures par semaine, d’aller, sur leur temps de repos, écouter la bonne parole qui remet en question leurs petites habitudes. Surtout qu’il est démontré depuis longtemps qu’avec notre système de paiement à l’acte, mieux vous êtes formés et moins vous gagnez d’argent.

Difficile à vendre !

vendredi 27 juillet 2007

Fin de vie

Geneviève a 83 ans, elle pèse 41 kg. Ce petit bout de femme sympathique et bavarde est hospitalisé depuis quelques jours dans le service. Elle semble contente de voir ce médecin qui vient lui parler et lui poser des questions dans le cadre de son stage.

Sa vie est facile à raconter : institutrice, femme d’un instituteur, elle n’a jamais eu d’enfants et sa vie a rebondi d’écoles en écoles dans l’ombre et la fumée de son mari qu’elle admire, mais qui « fumait trop ». Son grand plaisir est de gâter ses neveux et de les voir grandir.

La retraite arrive avec son sentiment d’inutilité jusqu’à la dépression, jusqu’aux tentatives de suicide.

Un infarctus du myocarde vient aggraver sa fragilité, le décès de son époux semble finir une vie dont elle n’a plus que faire.

Elle vit maintenant à Toulouse, dans un appartement dont elle ne sort quasiment jamais. Sa jeune sœur de 80 ans vient la voir tous les jours, parfois avec sa fille, une « femme de ménage » lui fait la cuisine (qu’elle n’a jamais aimé faire) et entretient l’appartement. Son neveu s’occupe de ses papiers. Une fois par mois, le médecin vient lui renouveler son traitement « pour le cœur » et ses antidépresseurs.

Parfois sa sœur arrive à la convaincre d « aller faire un tour », mais elle a peur d’aller en ville, elle, qui a vécu quasiment toute sa vie à la campagne.

Petit à petit elle a cessé de manger. Un jour, elle a eu un malaise et s’est fracturée la mâchoire. C’est pour ça qu’elle est dans cette chambre double.

D’après les médecins, elle n’est pas vraiment malade. Son bilan biologique est correct, elle ne présente même pas de signes de dénutrition et peut facilement accomplir les « actes de la vie courante ». L’examen clinique ne retrouve qu’un petit souffle de la carotide gauche et une absence de pouls périphériques qui signent sa maladie vasculaire.

L’évaluation psychologique n’a pas trouvé de signes de dépression. C’est vrai qu’il n’y a pas d’idées suicidaires, d’auto-dénigrement, ni d’angoisse ou de souffrance psychique. Mais il n’y a aucun désir, aucune motivation pour continuer. Elle n’a plus envie de rien, plus de projet de vie.

Elle est là, c’est tout !

jeudi 26 juillet 2007

Prévention

Une infirmière et une diététicienne de mon hôpital local se sont lancées avec beaucoup d’énergie et de savoir-faire dans des séances d’éducation aux diabétiques. Elles se sont formées, ont trouvé des financements et évaluent soigneusement leur travail. Les diabétiques de la région peuvent aller, gratuitement, profiter de conseils sur la prévention, la diététique et la gestion de leur maladie avec elles, mais aussi un diabétologue, des pharmaciens et un podologue.

Les patients ayant participé en sont ressortis ravis, le suivi est très positif au bout de quelques mois. Malheureusement, cette histoire risque de se terminer faute de… participants. Pourtant ce ne sont pas les diabétiques qui manquent. Seulement, pour qu’ils y viennent, il faudrait qu’ils en connaissent l’existence. Le médecin généraliste pourrait faire passer le message, mais il ne le fait pas ou peu et souvent les diabétiques n’y vont pas pour diverses raisons (problème d’horaires, de transport et surtout de "pas envie").

Quand on y réfléchit un peu, il n’est pas étonnant que l’affaire périclite. En effet, ce n’est pas le rôle de l’hôpital de faire de la prévention. Le lieu naturel serait la "ville". Imaginez que dans chaque cabinet médical, il y ait une infirmière formée à la prévention. Avant toute consultation médicale, il y aurait un entretien avec cette infirmière qui en profiterait à chaque fois pour faire passer les messages de prévention et d’éducation pour la santé. Le médecin, ensuite, n’aurait plus qu’à soigner.

Bien sûr ceci est totalement incompatible avec notre exercice libéral français. Il est pourtant facile de s’apercevoir que l’argent investi dans cette prévention serait largement remboursé par la diminution des traitements, de la maladie et de ses complications.

Mais ça profiterait à qui ?

mercredi 25 juillet 2007

Résurrection

C’était une force de la nature. Un mec solide et imposant, généreux et aimable. À plus de 70 ans il creusait sa piscine à la main.
Ce jour-là, en le voyant dans la salle d’attente, j’ai tout de suite vu que c’était sérieux. Il n’a jamais compris comment j’ai tout de suite pensé à un infarctus, alors qu’il venait me consulter pour des "vertiges". La tête qu’il avait !

Depuis ce jour, tout va de mal en pis ; insuffisance cardiaque, fracture du col du fémur, cancer de l’intestin, escarres, alitement. Il ne reste presque plus rien de l’homme que je connaissais. L’infection de son pied semble l’entraîner dans la tombe. Sa tension baisse inexorablement : 10, 9, 8, 7 comme un compte à rebours pour le grand départ. Tous les médicaments ont été arrêtés, sauf bien sûr ceux qui procurent un certain confort. Deux jours plus tard, j’en suis sûr en quittant son domicile, c’est la dernière fois que je le vois vivant.

Le téléphone est branché, près de mon lit, attendant le coup de fil qui m’annoncera une fois encore mon échec, la perte d’un patient, d’un client, d’un ami.

Et puis le lendemain, pas de nouvelle. J’y retourne l’après-midi et je retrouve toute la famille franchement gaie qui me dit que ça va mieux, bien mieux. Le moribond quant à lui, ne semble plus décidé à mourir, il reparle, il remange, il resourit. Il nous raconte ses délires des derniers jours, il nous dit qu’il a vu la Mort, une femme très laide qui lui a dit qu’elle viendrait le 11 août et qu’elle repasserait le 14 s’il n’était pas prêt.

- Je vous connais, lui dis-je, vous ne la suivrez que si elle ressemble à Paméla Anderson !

Faut bien rigoler un peu !

mardi 24 juillet 2007

Tensions avec le cardiologue

Mme M. vient me voir tous les mois (et parfois plus). A chaque fois, bien sûr, il faut prendre la tension. C'est le rituel. Des fois, je m'aperçois que je suis en train de pomper bêtement alors que je n'avais aucune intention de le faire. C'est automatique.

J'ai donc dans son dossier informatisé (mais non partagé) une cohorte de pressions artérielles prises avec soin, avec mon manomètre à mercure (indéréglable). Toutes ses "tensions" sont dans les limites de la normale.

La dame va voir son cardiologue (voyage en voiture, trois quart d'heure d'attente) qui lui prend la tension (bien sûr) et la trouve élevée (bien sûr). Et paf ! Il lui change le traitement. Ma lettre, dans laquelle il est indiqué les trois dernières mesures (normales) n'a aucune valeur. Mes dizaines de mesures ne pèsent rien contre la mesure spécialisée. La dame va avoir le dernier traitement à la mode. Elle est contente.

Pas moi !

lundi 23 juillet 2007

La fatigue

Il est parfois difficile de faire comprendre à mes proches la fatigue que je ressens parfois en fin de journée. Le métier de généraliste n'est pas particulièrement physique, mais c'est la tête qui travaille. Arrive un moment où le cerveau demande du repos. La moindre sollicitation devient insupportable, la plus petite exigence devient une montagne. Le bruit du téléphone devient une scie stridente, les cris des enfants qu'on examine une vrille à travers les tympans.

C'est à ce moment que nous sommes dangereux. Notre cerveau n'a plus envie de prendre en charge de nouveaux problèmes, donc nous les nions. “ Ce n'est rien ! Ça va passer ! ”. S'il s'agit d'un appel téléphonique, nous ferons tout pour ne pas y aller.

Une de mes collègues, qui avait fait les études avec moi et avait choisi ce métier, a arrêté il y a quelques années, laissant sa campagne pour un poste aux urgences hospitalières. Je l'ai revue il y a quelques mois.
- Alors, tu ne regrettes pas trop la médecine générale ?
- Oh ! Non, pas du tout. J'étais épuisée. Les urgences, c'est presque des vacances.

Des vacances !!

dimanche 22 juillet 2007

Vivement les vacances

Aujourd'hui, dernier jour de repos avant les vacances. Je suis de garde le week-end prochain, ce qui va faire douze jours sans interruption avant la quille. Je le redoute. Je commence à m'énerver facilement, à perdre ma patience et mon écoute, à ne plus supporter tous les petites frustrations de ce métier que j'adore, mais qui m'épuise. Je n'ai pas pris plus de trois jours d'affilée depuis le mois de février. J'ai du mal.

J'ai profité de ce dimanche pour faire une longue balade en moto, en solitaire. Au retour, il m'a fallu sulfater la vigne (les raisins ne vont pas nous faire mal cette année), puis piscine. Et la soirée du dimanche habituelle ; courriers divers, comptes et maintenant le blog.

Manquait plus que ça !