Tournesols

Tournesols

jeudi 30 août 2007

Bons baisers de partout !

Elle a 98 ans, une vivacité de jeune fille, une petite souris souriante qui pétille de malice. Mais elle est sourde. Alors pour lui parler je me penche vers sa "bonne" oreille pour lui proposer un conseil. Et au passage elle me claque un baiser sur la joue.

Elle a 86 ans. La maladie d'Alzheimer ne ternit pas encore son regard bleu, mais peut-être son jugement esthétique. « Que vous êtes beau ! » me dit-elle « Je peux vous embrasser ? »


C'est un beau métier tout de même !

mardi 28 août 2007

Reprise

Après trois semaines de vacances, le retour est souvent chaud. Beaucoup de gens s’imaginent que mon associé me parle de tout ce qu’il a vu et fait pendant mon absence. En fait, et c’est déjà pas mal, nous nous contentons de noter dans les dossiers les comptes rendus de consultation. Nous ne parlons entre nous que des faits saillants (décès, maladies graves, problèmes en cours…). Pour le patient, son changement de traitement pour la tension ou son entorse de la cheville est un évènement marquant, pas pour le médecin. Nous n’avons vraiment pas le temps de nous plonger en rentrant dans une centaine de dossiers pour en voir les modifications. Une fois de plus, l’organisation de notre métier ne nous permet pas de travail "à froid" sur les "cas". La lecture du courrier reçu (comptes rendus d’hospitalisation ou de consultations spécialisées, paperasses diverses, etc.) n’est en général possible que sur quelques jours.

À chaque rentrée, il est toujours aussi étonnant de se rendre compte de notre incapacité à prévoir l’avenir. Vous retrouvez des patients que vous pensiez mourants, votre associé n’a même pas entendu parler de celui-là pour lequel vous aviez laissé trois pages d’instructions, mais par contre le rhume de celui-ci, auquel vous n’aviez pas pensé une seconde, s’est terminé à l’hôpital.

Humilité !

samedi 25 août 2007

Fin des vacances

Il est vrai que je n’ai pas usé le hamac ces jours derniers. Il sèche entre deux averses.

J’en ai profité pour repeindre quelques pièces de la maison et surtout des portes et des fenêtres. J’en profite pour écouter des émissions de radio podcastées : excellente suite d’émissions de France Culture sur l’Afrique du Sud ou sur l’environnement.

C’est incroyable comme une peinture peut tacher et comme une petite goutte oubliée dans un coin semble avoir la possibilité de s’étaler sur plusieurs mètres carrés. Je vous passe la coulure qui vient gâcher votre beau travail tout lisse, l’insecte coquin qui se pose juste devant le pinceau et fait une belle traînée noire dans la peinture. J’ai aussi quelques pattes de chats venus dessiner des marguerites sur mes portes toutes blanches.

Le peintre quand à lui, vieilli prématurément (cheveux blancs et teint livide) va avoir besoin de s’arracher la peau pour retrouver une apparence « de Docteur ».

Heureusement, avec les peintures à l’eau, le travail est moins beau, mais le nettoyage est plus aisé.

Entre deux couches séchant, j’ai eu le temps de lire un peu :
  • « En zone frontalière » de Sherko Fatah : livre traduit de l’allemand, sur un passeur qui fait de la contrebande en Irak. C’est un bouquin d’ambiance où le seul élément immuable au milieu du chaos semble son sentier au milieu des champs de mines. Difficile de dire pourquoi, mais j’ai beaucoup aimé. C’est complètement dépaysant.
  • « Comme un roman » de Daniel Pennac : je n’avais plus rien à lire (l’horreur !), j’avais donc entamé la relecture de la Fée Carabine. C’est toujours un bonheur de se retrouver dans le monde parallèle de Pennac avec ses petits vieux héroïnomanes, ses mères indignes et son bouc émissaire. Je me suis rendu compte alors que je n’avais rien lu d’autre de lui que les « Malaussène » et que ses livres pour enfants. Notre médiathèque ne m’a proposé que cet essai sur la lecture et son apprentissage que je me suis surpris à apprécier. Comment quelque chose d’aussi merveilleux que la lecture peut-elle être transformée en purge par l’Éducation Nationale ? Et comment faire pour redonner le goût de lire que nous avons tous eu au moins en CP ? Ses remèdes me semblent un peu miraculeux pour vraiment fonctionner, mais il est autorisé de rêver un peu.
  • « Le Ventriloque Amoureux » d’Hubert Haddad : un livre étonnant mêlant texte et dessins, onirique et un peu surréaliste. Les aventures d’un fou, peut-être pas fou qui fait naufrage sur une île déserte avec un asile. Très vite lu. Moyen.

Et au cinéma, le film « 2 Days in Paris » de Julie Delpy avec Julie Delpy, réalisé, écrit, chanté par Julie Delpy. Un Woody Allen sans le génie. Un rien lourd, un peu long, il passera très bien à la télé.

La sacoche est prête, l’agenda du mois est imprimé. Retour au boulot Lundi.

dimanche 19 août 2007

La suite des vacances

Un hamac, un rayon de soleil et un bon bouquin : je n'en demande pas plus.

Au menu cette semaine :

Prof is beautiful : un livre sur les profs, écrit par un prof, leurs problèmes, leur mal d'éduquer. C'est verbeux, souvent confus, mais intéressant. Je préfère et de loin le blog du Profanonyme. Je n'ai jamais bien compris pourquoi l'Education Nationale a l'air de fonctionner en dépit du bon sens, et je vois que les pauvres profs qui subissent le système n'ont pas trop l'air de savoir pourquoi non plus. Mais il est si difficile de faire changer les gens et les habitudes !

Soleil du Crépuscule de Fang Fang : un roman chinois un peu déjanté, aucun personnage ne reste longtemps très sympatique. Une vieille grand-mère dont personne ne veut qui se suicide, mais pas tout à fait. La lâcheté quotidienne, la mesquinerie, mais avec un humour omniprésent. Pas un chef-d’œuvre, mais un bon moment de lecture.

J’ai découvert aussi les bandes dessinées de Jîro Taniguchi. Un régal. Avec Persépolis et Le Photographe mon “best of” de ces dernières années.

Le hamac étant impraticable sous la pluie, je suis allé voir The Bubble. Un film israélien qui ne peut se passer qu’en Israël ! Poignant, tendu, drôle, dramatique ! Vous ressortez un peu sonné et largement remué. Déconseillé aux homophobes !

samedi 11 août 2007

Lectures d'été

C’est bon de pourvoir lire toute la nuit sans regret ni angoisse du lendemain. De quitter son bouquin la tête à l’envers, la vision embrumée et la cervelle pleine d’images et de sentiments divers.

Au menu cette semaine :
- L’histoire de Bone par Dorothy Allison, l’histoire bien triste de la misère et de l’alcool. Des personnages bien attachants et bancals à souhait. Que du malheur ! Et pourtant que d’envies de vivre. Bien écrit et bien traduit !

- Double jeu de Yaïr Lapid : un polar avec un détective privé. Aussitôt lu, aussitôt oublié. L’action se passe en Israël, mais pourrait se situer à Vénissieux !

- Les requins de Trieste de Veti Heinichen : un avatar du commissaire Brunetti mais Trieste ne vaut pas Venise. Pourquoi les polars qui se passent en Italie sont écrits par des étrangers ? Sauf bien sûr l’inimitable Camilleri et son Montalbano.

Voir les 4 Fantastiques au cinéma avec ma fille m’a donné envie de relire quelques vieux "Strange" de ma jeunesse. Bon, et bien j’ai vieilli.

mardi 7 août 2007

Marchons


Il y a longtemps que je n'avais pas eu mal aux jambes comme ça. Mais ça valait le coup. J'aime ces balades en moyenne montagne. Il n'y a quasiment personne, les paysages sont magnifiques et verdoyants, la flore et la faune riches et colorées.
Dès que vous voulez aborder les lacs ou les lieux célèbres des Pyrénées, c'est la foule. Durant cette balade de cinq heures avec 600 mètres de dénivelé, nous n'avons pas rencontré plus dix personnes.


Mais ne le dites pas, "ils" viendraient !






samedi 4 août 2007

Les vacances

Enfin ! Après cinq semaines à plus de 60/70 heures par semaine, les vacances sont là ! Les derniers jours de consultation ont été assez bizarres. De mon côté, je me sentais quasiment parti, désirant seulement expédier les affaires courantes, par contre, les patients, eux, voulaient que je règle tous leurs problèmes avant mon départ.

C’est typique de la dyssymétrie permanente qui existe entre médecin et patients. Pour le médecin, les cas se répètent et se ressemblent, pour le malade, c’est une histoire unique et importante. Il faut toujours que je fasse attention à cette réalité pour éviter de traiter par-dessus la jambe ce que je considère être de la routine.

Je me rappelle une discussion avec des cancérologues. Des cancers, ils en "bouffaient" toute la journée, pour le médecin généraliste, ce ne sont que quelques cas par an et pour le patient, c’est SON cancer.

Là, je pars m’aérer les méninges à la montagne.

Adieu la routine et les "cas" !

vendredi 3 août 2007

On avance !

- Docteur ! La pharmacie m’a avancé une boîte. Vous pouvez me la marquer ?

Vous ne pouvez pas savoir le nombre d’heures que m’a fait perdre cette phrase qui revient régulièrement, en fin de consultation, au moment de rédiger l’ordonnance.

En France, la législation sur la délivrance des médicaments est très claire, mais très bête. Le pharmacien ne peut pas délivrer (sauf pour la pilule contraceptive) plus d’un mois de traitement par mois. Il y a quelques années une tolérance permettait d’écrire par exemple : Panacéum (boîte de 30 gélules), 1 gélule par jour, 3 boîtes. Le pharmacien délivrait trois boîtes et la sécu remboursait. Depuis une dizaine d’années, fini la tolérance : la sécu ne rembourse plus qu’une boîte.

Comme il y a des boîtes de 28, de 30, de 50, des demi-comprimés et que les gens n’ont parfois pas le temps d’aller chez le médecin pile poil avant la fin du mois, ils vont chez le pharmacien qui leur « avance » une boite de remède sans leur faire payer et leur dit : « Vous la ferez marquer par le médecin ! ». Moralité, les pharmaciens ont des ardoises incroyables de médicaments « avancés » dont ils attendent l’ordonnance pour pouvoir se les faire payer et le médecin se trouve bien embêté.

Soit, il fait une ordonnance antidatée spéciale pour « la boîte », soit il double la posologie sur l’ordonnance pour que pharmacien puisse lui récupérer sa boîte et donner le traitement pour le mois qui suit. Avec le risque que le malade prenne double dose, comme indiqué sur l’ordonnance, ce qui engage bien sûr la responsabilité du docteur. Mettre "à renouveler" sur l’ordonnance ne règle pas le problème puisque le pharmacien est normalement obligé d’attendre un mois avant de délivrer une nouvelle "mensualité" médicamenteuse.

Allez faire comprendre ça simplement ! Vous en avez pour quelques minutes qui se répètent régulièrement, trop régulièrement. Et après avoir bien expliqué, vous donnez l’ordonnance "trafiquée" au patient qui vous dit : « Ah bon, Docteur, il faut que j’en prenne plus ! » AArgh !!

Le plus simple serait que le pharmacien fasse payer la boîte qu’il avance ou que le médecin refuse ce petit jeu et que le patient ne soit pas remboursé. Mais notre système libéral clientéliste est assez cruel avec ceux qui sont trop rigoureux : vous perdez le client.

Surtout que le patient a besoin de son traitement. Je ne crois pas qu’il existe de trafic sur les antihypertenseurs, les antidiabétiques ou les médicaments contre le cholestérol. J’ai maintenant des patients qui préfèrent attendre de pouvoir aller chez le médecin et passent quelques jours sans traitement. Parfois, le risque d’une complication est réel.

Et tout ça pour économiser quelques euros.

On est bien avancé !

mercredi 1 août 2007

Faux et usage de faux

Je connais Mme S. depuis plus de quinze ans. Elle a maintenant plus de quatre-vingts ans, elle vit dans sa famille avec sa fille et son gendre. Elle a toujours été soumise et dépendante de son mari. Elle prend des antidépresseurs depuis… longtemps et elle a résisté à ma pression continuelle pour faire baisser sa dose de somnifères.

Son mari est décédé depuis quelques années dévoilant un caractère tyrannique. Sa fille ne sait plus quoi faire pour la contenter, la promenant à droite ou à gauche au gré de ses humeurs, la laissant téléphoner pendant des heures à "elle ne sait qui".

À part ça, elle est gourmande, donc trop grosse et donc diabétique.

Elle vient donc tous les mois pour renouveler ses drogues et me montre avec insistance son carnet d’auto-mesure des glycémies. Elle le remplit avec beaucoup d’application, mettant une croix quand elle n’a pas eu le temps de se percer le bout du doigt.

Seulement, voilà, les mesures sont fausses. Elle marque n’importe quoi : trop souvent 1,32 ou 1,24 ce qui m’a mis la puce à l’oreille. Les résultats du laboratoire ne sont pas du tout cohérent avec les siens. Elle fait le test, mais ne marque pas le résultat qu’elle peut lire sur l’appareil. Je lui en ai parlé plusieurs fois, mais elle fait celle qui ne comprend pas. Alors, je fais semblant de m’intéresser aux résultats sans en tenir compte.

Et ça dure depuis cinq ou six ans !

Vous y comprenez quelque chose ?