Tournesols

Tournesols

vendredi 27 juillet 2007

Fin de vie

Geneviève a 83 ans, elle pèse 41 kg. Ce petit bout de femme sympathique et bavarde est hospitalisé depuis quelques jours dans le service. Elle semble contente de voir ce médecin qui vient lui parler et lui poser des questions dans le cadre de son stage.

Sa vie est facile à raconter : institutrice, femme d’un instituteur, elle n’a jamais eu d’enfants et sa vie a rebondi d’écoles en écoles dans l’ombre et la fumée de son mari qu’elle admire, mais qui « fumait trop ». Son grand plaisir est de gâter ses neveux et de les voir grandir.

La retraite arrive avec son sentiment d’inutilité jusqu’à la dépression, jusqu’aux tentatives de suicide.

Un infarctus du myocarde vient aggraver sa fragilité, le décès de son époux semble finir une vie dont elle n’a plus que faire.

Elle vit maintenant à Toulouse, dans un appartement dont elle ne sort quasiment jamais. Sa jeune sœur de 80 ans vient la voir tous les jours, parfois avec sa fille, une « femme de ménage » lui fait la cuisine (qu’elle n’a jamais aimé faire) et entretient l’appartement. Son neveu s’occupe de ses papiers. Une fois par mois, le médecin vient lui renouveler son traitement « pour le cœur » et ses antidépresseurs.

Parfois sa sœur arrive à la convaincre d « aller faire un tour », mais elle a peur d’aller en ville, elle, qui a vécu quasiment toute sa vie à la campagne.

Petit à petit elle a cessé de manger. Un jour, elle a eu un malaise et s’est fracturée la mâchoire. C’est pour ça qu’elle est dans cette chambre double.

D’après les médecins, elle n’est pas vraiment malade. Son bilan biologique est correct, elle ne présente même pas de signes de dénutrition et peut facilement accomplir les « actes de la vie courante ». L’examen clinique ne retrouve qu’un petit souffle de la carotide gauche et une absence de pouls périphériques qui signent sa maladie vasculaire.

L’évaluation psychologique n’a pas trouvé de signes de dépression. C’est vrai qu’il n’y a pas d’idées suicidaires, d’auto-dénigrement, ni d’angoisse ou de souffrance psychique. Mais il n’y a aucun désir, aucune motivation pour continuer. Elle n’a plus envie de rien, plus de projet de vie.

Elle est là, c’est tout !

Aucun commentaire: