Tournesols

Tournesols

dimanche 26 octobre 2008

rimonabant va-t-en

Il n'a fallu que quelques milliers de morts pour arrêter la commercialisation de l'Acomplia® (rimonabant).
Il en faudra combien pour arrêter la commercialisation des glitazones, du franco-français benfluorex dit Médiator®, du populaire Di-antalvic® ?

samedi 18 octobre 2008

Témoin que rien

L’histoire de Marc Machin me semble exemplaire pour expliquer la différence entre une preuve et un témoignage.
Quand je dis que l’homéopathie n’est pas plus efficace qu’un placebo, on m’oppose toujours des "preuves" d’efficacité du genre : « Mon fils avait de l’asthme et depuis qu’il prend de l’homéo, il en a plus ! » ou « Il y a des milliers de gens soulagés par l’homéopathie. » Ce n’est pas une preuve, ce ne sont que des témoignages et comme démonstration scientifique, ça ne vaut rien.

La condamnation de Marc Machin montre bien qu’un témoignage peut toujours être biaisé. Parfois de façon totalement inexplicable. Comment comprendre qu’un innocent puisse accepter de s’accuser d’un meurtre qu’il n’a pas commis ? Pourquoi les histoires médicales que racontent certains patients sont si différentes de la réalité vécue ?

Une preuve, c’est autre chose. C’est quelque chose qui peut-être reproduit à l’identique. Un test ADN est une preuve. Vous pouvez le refaire dix fois, vous aurez dix fois le même résultat. Vous pouvez le faire refaire par d’autres et vous aurez encore le même résultat.

Une étude scientifique peut être une preuve, si elle est bien construite. Si vous étudiez l’action du paracétamol contre la douleur avec une belle étude, vous obtiendrez toujours une action du paracétamol supérieure à celle du placebo. Par contre, si vous demandez à des gens leur vécu du paracétamol, vous aurez ceux qui vous diront que "rien d’autre ne les calme" et ceux qui vous diront que "ça ne me fait rien".

Dire que l’homéopathie n’a pas fait la preuve de son efficacité n’est pas une insulte contre les adeptes des petits granules, mais un fait. Tous les témoignages n’y changeront rien.

mercredi 1 octobre 2008

Touche pas à ma prostate

Contre le dépistage du cancer de la prostate.

dimanche 28 septembre 2008

Noyée

La soirée s’annonçait sympathique. Un petit apéritif avec quelqu’un que j’apprécie, quelques tranches de saucissons à déguster en parlant de tout et de rien. J’avais simplement un peu oublié que j’étais de garde. La sirène des pompiers a fait entendre son mugissement assourdissant, ce qui provoque aussitôt la réponse de mes ânes dans un concert de braiments. Mon bip n’ayant pas sonné, j’ai eu l’espoir que ce ne soit pas « pour moi ». L’espoir a duré quelques minutes, mais au moment de goûter la première gorgée de Rivesaltes, c’est le téléphone qui m’a fait abandonner la tranche de saucisson que je visais depuis quelques secondes.
« Docteur, il faut que vous veniez près de l’imprimerie, pour une noyade !! »
Ça a bien plombé l’ambiance ! J’ai mis mon invité à la porte et j’ai sauté dans ma voiture.
La noyade était bien noyée. Une dame âgée, habillée en noir qu’un « témoin » a vu flottant dans le canal qui traverse le village. Personne ne semblait la connaître. Il faut dire que la mort transforme les visages, fait d’un tableau vivant une nature morte délavée et inexpressive.

En fait, je croisais cette dame quasiment tous les jours lors de sa promenade qui passait devant le cabinet, et je lui avais même demandé le matin même si ça allait bien. « Ça va, ça va ! » m’avait-elle répondu. Elle vivait à la maison de retraite et semblait s’y trouver bien. Un peu inquiète de ne pas pouvoir payer dans quelques mois, mais, ce soir, elle avait mangé normalement son repas. Ensuite, elle est ressortie dans le noir avec sa canne et s’est jetée dans le canal.

Pourquoi ? Nous ne le saurons jamais vraiment. Y a-t-il des raisons de toute façon ?

Fin d’une vie.

mardi 2 septembre 2008

Reprise

Merci aux Anonymes unanimes pour vos encouragements. Je vous ai lâchement abandonné depuis quelques mois pour parcourir la France sur mon fougueux destrier pétaradant. Quasiment 8000 km depuis le début de juin. Je n'ai pas encore trouvé le moyen de relier ma moto à Internet, mais j'y travaille.

À la rentrée, nous prenons des nouvelles de notre petit monde. Les héros malgré eux de ce blog ont continué leur histoire.

Monsieur Jacques a continué son périple médical. Du coup, miné par l'inquiétude de tous ces examens qui reviennent normaux (« On ne me trouve rien, pourtant j'ai bien mal à la tête. »), il a maintenant mal au crâne tous les jours et des problèmes digestifs qu'il va falloir explorer. Je n'ose pas lui dire que c'est sa compagne qui le rend malade…

Firmin Lestrampe court toujours et vit sa petite vie tranquille sans savoir qu'il a été quasiment mort un jour.

Germaine nous a quittés il y a quelques mois. La vie devenait un fardeau trop lourd à porter. Elle s'est laissée couler tranquillement.

M. Bagi a toujours son pyjama bleu, qui ne déteint plus. Je ne peux pas m'empêcher de sourire quand je le vois dedans.

M. Juan a fini par décider tout seul qu'il valait mieux mourir que pourrir.

Les pieds de M. Marcel ont fini par guérir miraculeusement. Les derniers pansements ont eu lieu ce mois-ci après plus d'un an d'antibiotiques. Il faut que j'envoie des nouvelles au chirurgien qui voulait l'amputer et qui doit le croire mort.

Mme Rina
a toujours son regard pétillant et vit tranquillement avec sa famille ; un peu d'EPO pour faire monter l'hémoglobine, un peu de Kayexalate® pour faire baisser le potassium et pour l'instant elle décline peu à peu, mais ne semble pas pressée de nous quitter.

vendredi 30 mai 2008

Mots d'adultes

« Ah ! Docteur ! N'oubliez pas de me marquer de l'Effenergan ! » Si vous ne connaissez pas "l'Effenergan", c'est normal. Il n'existe pas… C'est pourtant le médicament préféré d'une de mes vieilles patientes. Il y a longtemps elle consommait du Phénergan®, puis on lui a prescrit de l'Efferalgan®. C'est devenu de l'Effenergan. Je lui prescris donc du Paracétamol effervescent.

Simple non ?

Pour M. Orlando, il ne faut pas oublier le "Bicoque", qu'il prend depuis des années. J'ai beau lui dire chaque mois depuis plus de cinq ans. « Ah oui, Le Symbicort® ! », lui, il continue à prendre du "Bicoque".

J'aimais beaucoup la "Bécotine" de Mme Isaure quand elle venait chercher son Becotide®. Monsieur Leboucher ne s'est jamais rappelé le nom du Sérétide® et l'appelle le "Pschitt pour l'asthme".

Curieusement, Monsieur Louis connait très bien son Soriatane® et son Diprosalic®, mais n'a jamais réussi à mettre en mémoire le Pentasa® qu'il appelle "Saintasa", médicament béni qui lui a soulagé ses maux de ventre.

Les génériques dont le nom est souvent composé du nom de la molécule suivi du nom du laboratoire semblent vraiment difficiles à mémoriser. C'est sûr que se rappeler Dextropropoxyphène-Paracétamol Biogaran® semble largement au-dessus des capacités mémorielles moyennes. Alors pour certains, il est plus simple de demander "du Biogaran" ou "du Merck" ce qui correspond à plusieurs dizaines de produits puisque c'est le nom du labo.

Mais comment font les médecins qui ne tiennent pas de dossier pour leurs patients ?

jeudi 29 mai 2008

Stockholm, la ville à la campagne


Nous avons passé le long week-end du 8 mai à Stockholm. Au printemps, c'est une ville magnifique, colorée. Les habitants sont très sympathiques et parlent pratiquement tous anglais. Stockholm est située sur plusieurs iles et comprend un nombre impressionnant d'espaces verts. Toutes les photos ont été prises à moins de dix kilomètres du centre de cette ville d'un million d'habitants.

dimanche 4 mai 2008

Médecin toujours

Le problème quand vous êtes médecin, c'est que tout le monde est concerné par votre activité. Tout le monde a besoin d'un avis, d'un conseil et a des histoires tout à fait extraordinaires à raconter au sujet de la santé.

Dès que vous êtes étudiant en médecine, vous avez droit lors des repas de famille aux récits de l'opération de la prostate du grand-oncle, aux demandes de conseil sur le régime du papy et histoires de grossesse ou d'allaitement de toute la lignée. Et comme vous êtes médecin (ou presque puisque étudiant la médecine), votre parole prend un poids certain. « C'est V. qui l'a dit, il est médecin ! » Bien sûr, les premières années de médecine apprennent un peu de tout, mais pas vraiment de la médecine, seulement la façon dont le corps fonctionne quand il fonctionne et vous n'y connaissez rien en maladie et en traitement qui ne sont abordées qu'au bout de quelques années. Alors le traitement de la sclérose en plaque ou la nutrition du nourrisson diabétique, ça vous dépasse un peu. Du coup, il m'est arrivé, quand les gens ne me connaissaient pas de ne pas dire quel était mon métier, pour pouvoir passer un repas en paix en racontant des conneries.

Ensuite, la médecine devient votre métier, mais aussi votre vie. Il faut avoir vécu le « Y-a-t-il un médecin dans le train…, la salle…, l'avion…» pour comprendre que c'est un des rares métiers ou vous pouvez toujours et n'importe où devenir subitement indispensable. Les dresseurs de puces souffrent beaucoup moins du problème. Vous êtes en vacances, détendu, la tête pleine de soleil et tout à coup vous replongez dans le drame et la souffrance.

Repas au Flunch avec mes filles. Comme d'habitude, l'une d'entre elle veut aller faire pipi. Quand vous avez des filles, vous connaissez toutes les toilettes dans un rayon de cinquante kilomètres autour de chez vous. Je l'accompagne et que vois-je dans les toilettes ? Une personne affalée près du lavabo, franchement palichote et franchement en train de se pâmer. Je reconnais rapidement une hypoglycémie, va chercher sucre, eau et gâteaux et remet la dame sur pied. Ma fille a eu le temps de pisser et nous avons mangé froid.

Retour de la mer, sur une petite route à une vingtaine de kilomètres de mon chez moi. Je découvre au détour d'un virage, deux voitures encore fumantes qui se sont manifestement rencontrées assez brutalement. Pendant que ma femme fait la circulation, je vais voir les victimes, puis j'appelle les secours. Les pompiers arrivent et me voilà en train de poser des perfusions et autres colifichets. Au bout d'un moment je m'inquiète de l'arrivée du médecin du coin et les pompiers me disent : « Nous ne l'avons pas appelé, puisque vous y étiez ! ». Eh ! les mecs ! Je suis en vacances !!

Vous allez chercher votre journal. Vous attendez dans la queue pour payer et Mme Machin qui vous dit : « Ah ! Docteur, puisque je vous vois, je ne veux pas vous déranger, mais pourriez-vous me donner un rendez-vous pour demain ? » ("C'est ça, tu crois que j'ai appris mon agenda par cœur avant de sortir")
« Ah ! Docteur, je ne veux pas vous déranger quand vous buvez votre café, mais avez-vous reçu les résultats des analyses ? » ("Quelles analyses ? Qui c'est ce type ? Je le connais ?")
« Tiens, toi qui est médecin, tu peux me regarder l'épaule avant le match de foot, elle me fait mal depuis trois mois("Toi qui est garagiste, tu peux me faire la vidange de la moto vite fait ?")

Ceux qui me connaissent le savent et je leur dis : « Quand on veut parler au médecin, on va au cabinet médical. La médecine se fait dans un cabinet médical, comme la menuiserie se fait dans un atelier et pas dans une cuisine. »

vendredi 28 mars 2008

Nous sommes nuls !

Vous ne passerez pas la 13e passe. C'est trop dur !
http://www.dailymotion.com/video/x4rmz6

mercredi 19 mars 2008

Creuser le trou en compagnie

Monsieur Jacques est mon patient depuis plus de quinze ans. J’ai soigné sa mère jusqu’à la fin, ça crée des liens. Il vient me voir de temps en temps pour renouveler ses traitements. Il a des petites pathologies, chiantes, mais pas graves. Un psoriasis avec quelques plaques très limitées, une colite qui le fait souffrir de temps en temps et des migraines qui passent avec du paracétamol. Pas un client qui rapporte. Une ou deux consultations par an.

Ce vieux célibataire un peu anxieux ne sait pas trop lire, mais ça ne l’empêche pas d’obtenir de nombreux prix pour l’élevage de ses chevaux. C’est un régal de voir ces colosses sortir de la brume, les naseaux fumants, la robe luisante et la crinière blonde.

Mais voilà, il a trouvé une compagne. Qui lui ressemble étrangement d’ailleurs. La première fois que je les ai vus ensemble, j’ai cru que c’était sa sœur. La gaffe !

Et elle s’occupe de sa santé.

Alors, ces maux de tête, ça l’inquiète. Ils ont voulu aller voir le neurologue. Qui a proposé une batterie d’examens et, à ma grande colère, un traitement de fond de sa migraine. Ça n’a pas raté, le traitement a été très mal supporté, il a fallu faire d’autres examens et prendre d’autres traitements. Le psoriasis a été vu par un dermato qui a bien sûr indiqué un traitement qui ne change rien, mais bon, c’est le dermato. Et je reçois aujourd’hui la lettre de l’ophtalmo qui conclue que ses troubles visuels sont dus à ses migraines, ce que je savais depuis plus de quinze ans. Et elle propose de l’envoyer à la consultation « migraine » de l’hôpital universitaire de la ville voisine.

À suivre.

Mme Marie s’est tordu le genou en tombant. Elle vient me voir le soir parce que son genou "la lâche". J’examine le genou. Pas grand-chose. Je lui dis de patienter quelques jours et de voir. Son mari voudrait bien une radio, mais je lui explique que la radio ne voit que les os et que, s’il y a quelque chose ce n’est pas osseux.

Quelques jours plus tard, je la revois. Son genou a toujours tendance à lâcher. Je l’examine à nouveau et je la fais examiner par mon interne. Toujours pas grand-chose. Le mari veut savoir ce qu’elle a et veut une IRM. J’essaye d’expliquer que l’examen par DEUX médecins élimine un truc grave et que de toute façon, quel que soit le résultat de l’IRM, nous ne ferons rien de plus.
Rien à faire et je finis par prescrire. Donc IRM faite quinze jours plus tard qui montre des lésions ligamentaires bénignes. Le radiologue recommande une consultation chirurgicale. Je reçois la lettre aujourd’hui me disant qu’il n’y a rien à faire.

Au fait, Mme Marie ne se plaint plus de son genou depuis plus d’une semaine.

Comment faire pour ne pas faire !

mercredi 27 février 2008

Dépression chez les anti-dépresseurs

Une étude anglaise reprenant toutes les études faites sur les antidépresseurs (Prozac®, Déroxat®, etc.) arrive à la conclusion que ces médicaments ne sont pas vraiment efficaces pour les dépressions légères. C’est d’ailleurs ce que dit depuis longtemps notre Afssaps. Mais à quoi servent-ils donc ?

Nous savons déjà qu’ils provoquent d’avantage de suicide chez l’adolescent et l’adulte jeune (avant 24 ans). Ils n’ont jamais démontré qu’ils diminuaient le nombre de suicide chez les autres. Il est facile de constater que l’augmentation, que dis-je, la multiplication des prescriptions n’a pas amené une diminution du nombre de suicidés, que ce soit en France ou ailleurs.

Par contre, ils soulagent les gens en diminuant la souffrance terrible des dépressifs sévères. C’est déjà pas mal. Mais ce n’est pas une raison pour les prescrire dès la plus petite « déprime ».

Nous n’avons plus le droit d’être triste ?

mercredi 13 février 2008

Téléphone en folie

Cette semaine, j’ai eu quelques coups de téléphone un peu inhabituels.
« Allô ! Vous reste-t-il des tractopelles en location pour le mois prochain ? »
Il devait croire que je m’en servais pour déboucher les oreilles ou creuser le trou de la Sécu.

« Docteur, mon mari est hospitalisé dans votre service et on ne veut pas lui installer le téléphone ! »
« Il suffit de le demander pour qu’on lui branche une ligne ! »
« Oui, mais il ne le demande pas et je ne peux pas lui téléphoner pour lui dire de le demander ! »
Nos professeurs d’université ne nous ont pas appris à résoudre ce genre de problème.

« Docteur, il me faudrait l’adresse de l’association de défense des diabétiques. »
???
« Vous comprenez, la voisine ne fait rien que m’embêter et vient me harceler dans ma vigne, alors j’aimerais me faire défendre par cette association. »
Il m’a fallu un petit moment pour le convaincre que ce genre d’association n’existait pas. Que l’association des diabétiques s’occupait plutôt du diabète que du harcèlement des voisines.

« Allô ! L’abattoir ? »
« J’espère que vous vous êtes trompé de numéro !!! »

Je hais le téléphone qui permet à n’importe qui, pour n’importe quoi, de m’interrompre au milieu de mon travail.

Une fois lors d’un remplacement :
« Allô, Docteur ! J’aimerais savoir si le Crédit Agricole, en face, il est ouvert ! »

mardi 5 février 2008

Vous pouvez vous rhabillez

« Vous pouvez vous rhabiller ! »
Cette petite phrase anodine est souvent le début d'un long intermède plus ou moins cocasse. Si le déshabillage est parfois long et pénible, le rhabillage est souvent interminable.

Les hommes, en particulier ont le chic pour venir chez le médecin avec des chemises raides neuves avec de tout petits boutons, plein de tout petits boutons. Avec de gros et vieux doigts d'agriculteurs, c'est sportif. Surtout le dernier bouton du col. C'est qu'il faut TOUS les boutonner, boutons des manchettes compris.

Un de mes patients met sept minutes pour se rhabiller. C'est inéluctable, inévitable et incompressible. C'est toujours sept minutes. J'ai bien essayé de l'aider, mais ça le perturbe. Il s'est déshabillé avec méthode, ne gardant que son maillot de corps et son pantalon dégrafé. Il commence par enfiler sa chemise ; un bras, puis l'autre bras, puis il attaque les boutons. Pendant ce temps, je fais autre chose. Je classe mon courrier, je lis quelques blogues. J'ai essayé de lui parler, mais dans ce cas IL S'ARRETE. Je le surveille du coin de l'œil pour éviter qu'il ne s'aperçoive en fin de boutonnage qu'il a tout décalé d'un cran et qu'il faut tout reprendre à zéro.
La chemise boutonnée est rentrée laborieusement dans le pantalon, la ceinture doit être bien sûr serrée à bloc. Le pull over est un peu plus facile à enfiler. Il met alors sa veste, fouille dans la poche intérieure pour sortir son chéquier, sort son stylo d'une deuxième poche et compose son chèque avec application. Il y a tout : la date, le nom complet du Docteur, tout. Puis il plie l'ordonnance que je viens de lui faire,… en quatre, et essaye de la rentrer dans une poche extérieure de la veste qui n'a manifestement pas été conçue assez grande. Il insiste et après quelques contorsions arrive à la faire rentrer. Il remet son chèque dans sa poche intérieure, referme sa veste qui a aussi son lot de boutons, puis ajuste la ceinture qui serre la taille de cette fichue veste. Et là, enfin, il peut sortir du cabinet. Sept minutes ! Pour un striptease de Carla Bruni, c'est court, pour le rhabillage d'un monsieur, c'est très très long.

Et il pourrait avoir un chapeau !

lundi 28 janvier 2008

Une touche de Destouches sur le paiement à l'acte

“La médecine, c’est ingrat. Quand on se fait honorer par les riches, on a l’air d’un larbin, par les pauvres on a tout du voleur. Des “honoraires” ? En voilà un mot ! Ils n’en ont déjà pas assez pour bouffer et aller au cinéma les malades, faut-il encore leur en prendre du pognon pour faire des “honoraires” avec ? Surtout dans le moment juste où ils tournent de l’œil. C’est pas commode. On laisse aller. Et on coule.”

Céline L.-F. “Voyage au bout de la nuit” - Gallimard 1932

samedi 26 janvier 2008

Besoin pressant sans se presser

La campagne est belle, même l’hiver. Les nuées du brouillard qui estompent les vallées, le jeune orge qui pousse et propose ses champs verts brillant dans le soleil rasant de l’hiver. Les arbres sont dénudés découvrant les oiseaux ; le vol oscillant du pic-vert, les embardées désordonnées des moineaux, l’éclair jaune du chardonneret qui prend son vol. Parfois un grand rapace vous fait l'honneur de vous proposer ses trajectoires majestueuses.

Alors, les besoins pressants qui sont parfois si gênants en consultation deviennent une bénédiction lors des visites à domicile. Vous êtes obligés de vous arrêter, de stopper la voiture, d’arrêter le moteur. Vous avez bien entendu choisi un coin dégagé avec un arbre ad hoc. Et là, le plaisir de vous soulager se mêle au plaisir de la vue. Le bruissement du liquide qui tombe au pied de l’arbre s’accorde avec les aboiements au loin du chien de la ferme, des caquètements des poules et du ronronnement lointain de la circulation sur la route que vous voyez serpenter à l’horizon brumeux. Les Pyrénées sont là, immuables et toujours changeants dans le blanc et le gris.

Puis vous remontez dans la voiture, redémarrez le moteur. L’autoradio égrène sa litanie de catastrophes et de problèmes sociaux. Vous reprenez la route et la chevauchée perpétuelle de votre vie trépidante.

C’était bien !

vendredi 18 janvier 2008

Contre le cholestérol, mais contre les artères

Après le médicament pour le diabète qui provoque des crises cardiaques, le médicament contre le cholestérol qui bouche les artères. Mais où s'arrêteront-ils ? C'est ça le progrès thérapeutique ?

C'est par là !

Je précise, suite au commentaire de Lawrence, que cette étude n'est pas définitive et ne prouve pas grand chose dans un sens comme dans l'autre. Mais qu'il n'y a aujourd'hui aucune preuve d'efficacité réelle sur l'efficacité de ce produit à protéger les patients et qu'il est donc largement prescrit sans que nous sachions s'il évite plus de complications qu'il n'en provoque.

En janvier 2008, il n'est pas recommandé de prescrire EZETROL et INEGY dans la prévention des risques cardio-vasculaires.

lundi 14 janvier 2008

L'ophtalmo ne travaille pas à l'œil

Compromission, lâcheté, mesquinerie, corporatisme, vous retrouverez tout ça dans cette histoire.
Pour une vingtaine d'euros en plus.

Quelle tristesse !

vendredi 11 janvier 2008

Habillé pour l'hiver

En France, nous sommes souvent fiers de notre système de santé, qui a même été déclaré à un moment "le meilleur du monde". Le système anglais sert le plus souvent de repoussoir avec ses délais d’attente, l’absence de choix du médecin par le patient et les consultations qui ne durent que cinq minutes.

Il faut dire que le médecin généraliste anglais travaille dans des conditions tout à fait différentes de celui de son homologue français. Il gère une véritable petite clinique avec infirmières, secrétariat et tout le toutim. Dans ses "cinq minutes", il n’a pas à se préoccuper de la paperasse, des prises de rendez-vous et de la facturation de l’acte.

Il n’a pas, non plus, à demander la Carte Vitale qui est, bien sûr au fond du sac de la dame. Ah non ! Elle n’y était pas. Elle était dans le porte-cartes. Ah non ! Ça c’est la carte de réduction à Shopi. Et elle tend enfin… sa carte bancaire.
« Pourtant je l’avais préparée ! » Devant le temps perdu en fouilles quasi archéologiques, à la recherche du Plastique Vert, j’ai mis une affiche depuis longtemps pour demander de "PRÉPARER sa Carte Vitale". Ce qui n’a eu aucun effet. Il y a ceux qui ne lisent pas les affiches, ceux qui s’en fichent, ceux qui ont sorti la carte du portefeuille pour la mettre dans une poche de la veste, mais qui ne se rappellent plus dans quelle poche, ceux qui disent qu’ils ont "préparé", alors que la carte est toujours dans le porte-cartes au fond du sac, sous les mouchoirs, les clefs, l’ancienne ordonnance, la liste des courses et deux ratons laveurs. Pour ces derniers, "préparer" doit correspondre à un rite vaudou ou autre préparation psychologique avant de rentrer dans le cabinet.

Le médecin anglais n’a pas non plus à assister aux déshabillages et rhabillages. Les patients sont livrés déjà conditionnés.
Pour le déshabillage, tout commence souvent par un marchandage. Il faut savoir, que je demande toujours à mes patients de se déshabiller, c’est-à-dire enlever systématiquement le haut sauf le dernier sous-vêtement et le bas, si nécessaire. Et bien, depuis quinze ans, certains patients me demandent systématiquement. « Et en remontant la manche, ça suffit pas ? » « Non, ça suffit pas ! Je n’ai pas mis ma super vision X ce matin pour voir à travers les habits et j’ai oublié mon super-stéthoscope à tête chercheuse qui peut se glisser dans le bas du dos en partant du col sans se perdre entre deux "Thermolactyl" ou rester accroché à une bretelle de soutien-gorge.

Donc, ils enlèvent une couche, s’arrêtent : « J’en enlève encore ? ». Une autre couche : « J’en enlève encore ? ». Ils arrivent à me faire craquer à la troisième couche. Je me rappelle une vieille dame qui vivait dans une ferme chauffée uniquement à la cheminée (mais on laisse la fenêtre entrouverte pour pas qu’elle fume !), et qui était recouverte d’une superposition invraisemblable de vêtements. Je finissais toujours par caler sur un sous-pull orange à col roulé que je ne suis jamais arrivé à lui faire enlever. C’était la troisième couche l’été et la cinquième l’hiver. Il en restait encore trois ou quatre dessous. Heureusement, que je pensais à amener mon stéthoscope à tête chercheuse.

Il y a aussi les pudiques petites demoiselles de quatorze ans, vêtues ou plutôt dévêtues comme des Lolitas, mais qui ne veulent pas soulever le T-shirt moulant qui laisse deviner leurs bourgeons naissants.
Il y a la dame qui sort du coiffeur et ne veut pas abîmer sa mise en pli.
Il y celui qui a tellement d’arthrose qu’il ne peut pas se déshabiller tout seul.
Il y a celui qui a un maillot de corps sale et qui ne veut pas le montrer.
Il y a celui qui se déshabille entièrement pour un simple mal de gorge.
Il y a celui qui a mis sa nouvelle chemise avec 235 boutons.
Etc., etc.,

Et je ne vous parle pas du rhabillage !

lundi 7 janvier 2008

Recadrage sans débordement

« Docteur ! Ce que vous me donnez là, ça va me faire du bien ? »
« Non, je vous le donne pour vous empoisonner et parce que je touche un pourcentage du pharmacien ! »
Avant, j'avais envie de le dire, mais j'essayais d'expliquer. Maintenant, je le dis ; avec un grand sourire ou un air faussement sérieux et c'est diantrement plus efficace. J'entends de moins en moins ce genre de réflexion.

Dans le même genre :
« Docteur ! Donnez-moi quelque chose d'efficace ! »
« Ah non alors ! Je préfère que vous reveniez plusieurs fois pour rien. Ça me permet de payer mes impôts ! »

mardi 1 janvier 2008

Nouvel an



En attendant que le soleil se montre en France, je suis allé le chercher dans les îles.
D'autres photos.