Tournesols

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jeudi 4 juin 2009

Madame Quibrulle

Madame Quibrulle est arrivée à la maison de retraite alors qu'elle a sept enfants. Elle sortait d'un séjour dans le service gériatrique « de pointe » du CHU voisin. Le diagnostic : démence à corps de Lewy.

La démence pour un médecin, n'a rien à voir avec l'image de folie furieuse que représente ce terme dans le vocabulaire commun. C'est ce qui explique l'incompréhension de certains sur le fait de laisser des armes à feu à des gens en maison de retraite.

La démence "médicale" c'est : « … une réduction acquise des capacités cognitives suffisamment importante pour retentir sur la vie du sujet et entraîner une perte d'autonomie. Les zones particulièrement atteintes peuvent être la mémoire, l'attention, et le langage. ... ». On appelait ça le gâtisme ou la sénilité. Pas de violence donc.

Chez Mme Quibrulle, le diagnostic avait été porté avec un peu de précipitation. Il faut dire que les tests diagnostiques de la démence (et donc de la maladie d'Alzheimer) ne sont pas très fiables. Elle s'est très rapidement repérée dans l'établissement et a rapidement compris que le médecin venait tous les lundi et vendredi à 14 heures. Ce qui fait qu'elle m'attend souvent à mon arrivée pour me parler de ses problèmes. C'est totalement incompatible avec une démence qui provoque toujours des troubles de l'orientation dans l'espace et/ou dans le temps.

« Ah ! Docteur ! Si vous saviez comme je souffre. C'est insupportable. Quand je vais uriner, ça me brûle, mais ça me brûle ! Ça me remonte jusque dans les épaules. »
« Ah ! Mes jambes ! C'est insupportable ! Je ne peux pas rester au lit. C'est comme du feu. Et je tremble, je tremble. »
« Si vous saviez ce que j'ai peur. Ils vont venir me tuer. Lui, il va me jeter par terre au milieu de la salle à manger, me déshabiller et me couper les cheveux et elle, elle va me couper les poils du pubis avec des ciseaux » « Les autres ? Ils ne diront rien ! Ils m'en veulent tous. C'est quelqu'un qui doit dire du mal de moi ? Mais moi, je n'ai rien fait ! »

Les divers examens n'ont rien montré. Les traitements "marchent" quelques jours jusqu'à ce que l'effet placebo s'estompe. Le psychiatre s'arrache les cheveux. Et Mme Quibrulle souffre inlassablement mais avec des variations, de la tête, du vagin, des urines, des jambes, du ventre, etc. Et elle a peur.

Mme Quibrulle est folle, mais elle n'est pas démente.

5 commentaires:

mdt a dit…

Bonsoir,
Je crois que votre petite mamie est surtout en grande souffrance psychologique, peut être qu'un psychologue formé pourrait l'aider. Derrière ces "délires", il y a une histoire, peut être la sienne. Pour nous, cela n'a pas de sens mais pour elle cela en a.
Je viens d'achever une formation dans laquelle on a beaucoup parlé de fin de vie et de ces personnes agées qu'on classe comme "fous".
Peut être une piste à explorer

Therese a dit…

Vous voila a reparler des lecteurs qui ne comprennent pas pourquoi on ne peut laisser des armes a feu a des personnes en maison de retraite....
J aimerais une reponse tres claire sur la legislation sur ce sujet en France, je vais chercher de mon cote, je precise je ne suis pas en France, mais je vais voir ce que je peux trouver.
Quant a votre patiente, bien triste qu avec 7 enfants, aucun n ait pu, ou n ait voulu la prendre en charge...

Philippe Roux a dit…

mdt "Je crois que votre petite mamie est surtout en grande souffrance psychologique"
Oui, bien sûr. Et c'est la définition de la folie. Une maladie mentale entraîne toujours une souffrance (pour soi ou pour d'autres). C'est ce qui fait la différence avec un sentiment et une maladie — par exemple, entre la tristesse et la dépression. Les psychologues sont assez impuissants dans ce genre de cas, et nous avons essayé, bien sûr.

Pour Thérèse : En France, pour avoir une arme, il faut normalement un permis. Mais beaucoup ont gardé des armes "souvenir" et n'en ont pas. La maison de retraite est assimilé à un domicile et je ne vois pas de quel droit nous interdirions à quelqu'un qui a tous ces moyens intellectuels d'avoir des "souvenirs" dans sa chambre. Et nous ne fouillons pas les chambres de nos résidents.

mdt a dit…

Un psychologue ne la guérira pas, c'est clair mais ce n'est pas le but, le but est de la laisser exprimer ces émotions ( qui nous gênent nous plutôt peut être qu'elle même)et surtout de l'accompagner et ce de façon régulière. Dans ces histoires, il faut du temps pour éventuellement comprendre.
La famille vient au moins la voir? Il y a peut être des pistes à ce niveau?
Et puis peut être ne souffre t elle pas tant que cela? et c'est plus l'équipe soignante qui souffre?
Le patient n'est jamais seul: son histoire, sa famille, les soignants ....

Therese a dit…

Soyez plus nuance quand meme, quand on parle de maison de retraite, il faut voir deux choses bien distinctes
Statut juridique de la maison de retraite
Statut juridique de la personne en maison de retraite.

Maintenant, je n ai pas assez de documentation pour faire une etude poussee sur vos dires, mais je ne desarme pas!!