Tournesols

Tournesols

dimanche 28 septembre 2008

Noyée

La soirée s’annonçait sympathique. Un petit apéritif avec quelqu’un que j’apprécie, quelques tranches de saucissons à déguster en parlant de tout et de rien. J’avais simplement un peu oublié que j’étais de garde. La sirène des pompiers a fait entendre son mugissement assourdissant, ce qui provoque aussitôt la réponse de mes ânes dans un concert de braiments. Mon bip n’ayant pas sonné, j’ai eu l’espoir que ce ne soit pas « pour moi ». L’espoir a duré quelques minutes, mais au moment de goûter la première gorgée de Rivesaltes, c’est le téléphone qui m’a fait abandonner la tranche de saucisson que je visais depuis quelques secondes.
« Docteur, il faut que vous veniez près de l’imprimerie, pour une noyade !! »
Ça a bien plombé l’ambiance ! J’ai mis mon invité à la porte et j’ai sauté dans ma voiture.
La noyade était bien noyée. Une dame âgée, habillée en noir qu’un « témoin » a vu flottant dans le canal qui traverse le village. Personne ne semblait la connaître. Il faut dire que la mort transforme les visages, fait d’un tableau vivant une nature morte délavée et inexpressive.

En fait, je croisais cette dame quasiment tous les jours lors de sa promenade qui passait devant le cabinet, et je lui avais même demandé le matin même si ça allait bien. « Ça va, ça va ! » m’avait-elle répondu. Elle vivait à la maison de retraite et semblait s’y trouver bien. Un peu inquiète de ne pas pouvoir payer dans quelques mois, mais, ce soir, elle avait mangé normalement son repas. Ensuite, elle est ressortie dans le noir avec sa canne et s’est jetée dans le canal.

Pourquoi ? Nous ne le saurons jamais vraiment. Y a-t-il des raisons de toute façon ?

Fin d’une vie.

mardi 2 septembre 2008

Reprise

Merci aux Anonymes unanimes pour vos encouragements. Je vous ai lâchement abandonné depuis quelques mois pour parcourir la France sur mon fougueux destrier pétaradant. Quasiment 8000 km depuis le début de juin. Je n'ai pas encore trouvé le moyen de relier ma moto à Internet, mais j'y travaille.

À la rentrée, nous prenons des nouvelles de notre petit monde. Les héros malgré eux de ce blog ont continué leur histoire.

Monsieur Jacques a continué son périple médical. Du coup, miné par l'inquiétude de tous ces examens qui reviennent normaux (« On ne me trouve rien, pourtant j'ai bien mal à la tête. »), il a maintenant mal au crâne tous les jours et des problèmes digestifs qu'il va falloir explorer. Je n'ose pas lui dire que c'est sa compagne qui le rend malade…

Firmin Lestrampe court toujours et vit sa petite vie tranquille sans savoir qu'il a été quasiment mort un jour.

Germaine nous a quittés il y a quelques mois. La vie devenait un fardeau trop lourd à porter. Elle s'est laissée couler tranquillement.

M. Bagi a toujours son pyjama bleu, qui ne déteint plus. Je ne peux pas m'empêcher de sourire quand je le vois dedans.

M. Juan a fini par décider tout seul qu'il valait mieux mourir que pourrir.

Les pieds de M. Marcel ont fini par guérir miraculeusement. Les derniers pansements ont eu lieu ce mois-ci après plus d'un an d'antibiotiques. Il faut que j'envoie des nouvelles au chirurgien qui voulait l'amputer et qui doit le croire mort.

Mme Rina
a toujours son regard pétillant et vit tranquillement avec sa famille ; un peu d'EPO pour faire monter l'hémoglobine, un peu de Kayexalate® pour faire baisser le potassium et pour l'instant elle décline peu à peu, mais ne semble pas pressée de nous quitter.