Tournesols

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samedi 24 novembre 2007

Trop lourd

Germaine vit à la maison de retraite depuis quelques années. Elle n’a pas beaucoup d’argent et "les sous" sont vraiment un problème. Sa famille n’est pas très présente, sauf pour râler quand il faut payer quelque chose. C’est une vieille dame attachante qui ne se plaint jamais. Mais elle devient "trop lourde".

Il faut dire qu’elle cumule les handicaps. Elle pèse plus de 100 kg et a une peau qui a la fragilité d’un papier vieilli par le temps et le soleil. Ses jambes et ses fesses sont couvertes de pansements pour soigner les bobos en cours et essayer de prévenir les bobos à venir. Il faut au moins deux personnes, plus d’une heure le matin et le soir pour lui faire les soins. Trop pour une simple maison de retraite.

Depuis quelques jours elle se plaint d’une jambe. Il n’y a pas eu de chute, pas eu de choc particulier, mais elle ne peut plus s’appuyer dessus et souffre en la bougeant. La radiographie montre une fracture du col du fémur. La tuile !

Sa fille vivant près de la grande ville, nous l’envoyons aux Urgences du CHU (50 km), plutôt que dans notre hôpital départemental (40 km). Les Urgences n’en ont pas voulu ; pas de place, pas le bon département. Ils l’ont renvoyée, dans son ambulance, avec sa fracture, faire 80 km pour rejoindre les urgences de l’hôpital général.

Elle devait être trop lourde.

Maintenant, elle est opérée. La rééducation risque d’être difficile. Ses quelques forces perdues, elle va être encore plus dépendante. L’équipe a décidé qu’il était impossible qu’elle revienne à la maison de retraite. Les filles n’en peuvent plus, finissent les toilettes du matin à midi, midi et demi. Le départ de Germaine va leur permettre de proposer d’avantage de douches et de bains aux autres résidents. De préparer le service du repas de midi avec plus de sérénité.

Mais Germaine, elle, ne voulait pas partir de sa chambre. Elle y avait ses petites habitudes et s’était attachée aux filles qui venaient s’en occuper tous les matins. Il va falloir lui trouver une place dans un établissement qui ne la trouve pas trop lourde, pour un prix qui ne soit pas trop lourd.

Parfois, ce métier me pèse !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

pas facile d'être impuissant...
pas facile d'être différent, trop "lourd" ou trop "vieux"
j'imagine le sentiment du médecin face à ces malades dont personne ne veut et qui dérangent...
mais à qui la faute???
continuez votre métier comme vous le faîtes, les considérer, les écouter c'est déjà beaucoup docteur V!!!!

Anonyme a dit…

Alors trop gros on en veut pas, trop maigre ça fait peur¨, que veulent les hôpitaux des gens normaux bien portants !!!!
Courage cher doc de tout coeur avec vous :-)

Anonyme a dit…

Après la maison de retraite,normalement c'est la mort!
Si la maison de retraite refuse une personne AGEE DEPENDANTE,ou va t -on?
Car c'est bien dans le cas de vieillesse et dépendance que l'on se retrouve en maison de retraite...
Que va-t-til advenir de cette dame,alors???

Philippe Roux a dit…

Toutes les maisons de retraite ne sont pas identiques. Certaines ont plus de personnel que d'autres, certaines ont des services fermés. Cette dame finira ces jours dans un service USLD (Unité de Soins de Longue Durée). C'était autant ses pansements que sa "lourdeur" qui posait problème.